La résiliation est considérée par tout intermédiaire en assurances comme un acte de gestion courante. Si les conditions de résiliation et le formalisme à respecter sont prévus par les dispositions du Code des Assurances, il n’en demeure pas moins que leur application peut générer des difficultés entraînant la mise en cause de la responsabilité civile professionnelle des intermédiaires en assurances. L’adoption des lois Chatel et Hamon, sous couvert d’une volonté de protection du consommateur, ne dérogera pas à ce constat.
La réglementation existante
Certains cas de résiliation présentent davantage d’écueils pour les intermédiaires en assurances que d’autres dans leur application.
La résiliation pour cessation d’activité professionnelle
(article L113-16 du Code des assurances)
Cet article a introduit la possibilité pour chacune des parties au contrat de résilier le contrat d’assurance pour modification ou cessation du risque.
Les intermédiaires en assurances sont amenés fréquemment à s’interroger sur le bien-fondé d’une demande de résiliation faite par l’assuré pour le motif de « cessation du risque ». Dans un litige récent où l’intermédiaire en assurances avait résilié le contrat d’assurance de prévoyance d’un gérant d’une SARL, alors que cet assuré lui avait uniquement indiqué qu’il cédait son fonds de commerce (cet assuré étant titulaire d’autres contrats souscrits par cet intermédiaire en assurances), le gérant souscripteur du contrat d’assurance de prévoyance a mis en cause l’intermédiaire en assurances pour lui avoir fait résilier son contrat alors qu’il n’avait pas cessé son activité.
Dans cette affaire, les magistrats ont invalidé la résiliation du contrat d’assurance de prévoyance opérée par cet intermédiaire en assurances en motivant leur décision ainsi : « qu’en l’espèce, s’il est établi et non contesté que l’assuré a vendu son fonds de commerce, il n’est pas établi en revanche qu’il aurait cessé d’exercer une activité de gérant de société et que le contrat conclu en 1998 n’avait pas lieu en conséquence d’être résilié ».
Dans cette affaire, le souscripteur du contrat d’assurance était le gérant de la SARL. Il n’y avait donc pas de disparition du risque empêchant ainsi toute résiliation du contrat d’assurance de prévoyance par l’intermédiaire en assurances.
La résiliation pour aliénation de la chose assurée
(article L 121-10 du Code des assurances) Le législateur a introduit cet article pour s’assurer de la poursuite des contrats d’assurance en cours en cas d’aliénation de la chose assurée. Il ne s’applique pas en matière d’assurance automobile. En effet, le législateur a prévu une disposition spécifique (article L121-11 du Code des Assurances).
Si le contrat suit la chose assurée, quelle est alors la chose assurée ?
Il peut s’agir d’une chose corporelle (bien immobilier) ou incorporelle (par exemple un fonds de commerce) étant précisé que la responsabilité attachée à la chose (responsabilité civile en cas d’incendie ou du fait de l’exploitation) suit également la chose.
Quand intervient l’aliénation de la chose assurée ?
Elle intervient dès lors que l’acte authentique de vente est signé.
Qui peut solliciter la résiliation ?
Une fois la vente définitivement conclue, seul l’acquéreur ou l’assureur peut disposer de la faculté de résiliation offerte par l’article L 121-10 du Code des Assurances.
C’est dans ce cadre que nous constatons le plus fréquemment des mises en cause de la responsabilité des intermédiaires en assurances. En effet, les intermédiaires en assurances sont souvent sollicités par le vendeur d’un bien immobilier pour résilier leur contrat d’assurance dans le but d’obtenir le remboursement d’une partie de la prime afférente au contrat d’assurance couvrant le bien immobilier.
Or, lorsque la vente est définitivement conclue, l’intermédiaire en assurances ne peut plus accepter cette demande de résiliation et rembourser le prorata de prime au vendeur.
Exemple : Le vendeur sollicite la résiliation de son contrat d’assurance couvrant son bien immobilier auprès de l’intermédiaire en assurances qui passe la résiliation à la date indiquée par le vendeur. De son côté, l’acquéreur, qui n’a pas été interrogé par l’intermédiaire en assurances sur ses intentions concernant la résiliation du contrat couvrant son bien immobilier, n’a pas par ailleurs souscrit de contrat d’assurance couvrant son bien immobilier.
Un incendie endommage le bien immobilier après résiliation du contrat par le vendeur et l’assureur du vendeur refuse de prendre en charge le sinistre survenu postérieurement à la résiliation du contrat. L’acquéreur conteste la validité de la résiliation opérée par l’intermédiaire en assurances à la demande du vendeur pour obtenir la prise en charge du sinistre affectant son bien immobilier.
La résiliation opérée par l’intermédiaire en assurances pour le compte de l’assureur du vendeur n’étant pas valide, cet assureur sera tenu de prendre en charge le sinistre de l’acquéreur, et ne manquera pas de former un recours contre son agent général en raison de l’erreur commise à l’occasion de cette résiliation. L’intermédiaire en assurances ne pourra en conséquence résilier le contrat d’assurance à la demande du vendeur que dans le cadre d’une résiliation amiable. Cette demande de résiliation amiable devra être formalisée antérieurement à la conclusion de l’acte de vente avec un effet à la date de la vente et ce, sous condition que le notaire ait vérifié que l’acquéreur ait bien souscrit un contrat d’assurance pour le bien immobilier.
Une tentative du marché de l’assurance d’assouplir cette réglementation
Le marché de l’assurance a essayé de contourner le cadre légal existant en matière de résiliation à l’échéance (article L113-12 du Code des Assurances) en créant une nouvelle modalité de résiliation : la résiliation « à titre conservatoire ». Cette résiliation à « titre conservatoire » est utilisée soit par l’intermédiaire en assurances en risque pour trouver une nouvelle solution d’assurance pour son client trouvant sa prime trop onéreuse, soit par un intermédiaire en assurances dans le cadre de la reprise à la concurrence d’un nouveau risque. L’intermédiaire en assurances pense qu’il pourra à tout moment revenir sur cette résiliation s’il n’arrive pas à négocier de bonnes conditions pour son client avec le nouvel assureur du contrat.
Toutefois, l’assureur pourra analyser ce type de demande de deux façons entraînant des conséquences différentes.
L’assureur peut estimer que la résiliation à « titre conservatoire » opérée par le courtier, qu’il assimile à une résiliation à l’échéance, est parfaitement valide et refuse de remettre en vigueur le contrat si le client revient sur sa décision de résilier. L’assureur refusera donc en cas de sinistre survenu postérieurement à cette résiliation à titre conservatoire, de prendre en charge ce sinistre. L’assuré recherchera alors la responsabilité de l’intermédiaire en assurances pour lui avoir fait perdre le bénéfice de son ancien contrat sans en avoir mis en place un nouveau couvrant son risque.
Si l’assureur estime en revanche que cette demande de résiliation n’est pas valide, l’assuré se trouvera alors engagé tant vis-à-vis de son nouvel assureur que de son ancien assureur (assurance cumulative) quant au paiement de la prime afférente aux deux contrats. L’assuré ne manquera pas alors de rechercher la responsabilité de l’intermédiaire en assurances pour obtenir le remboursement de la prime afférente à son ancien contrat dont la résiliation a été, par sa faute, infructueuse.
Dans une affaire récente où le courtier avait adressé pour le compte de son client un premier courrier « à titre conservatoire » à l’assureur tenant du risque (risque qu’il tentait de replacer chez un autre assureur) l’informant de son souhait de résilier prochainement son contrat, puis une lettre formelle de résiliation dans les délais, les magistrats ont jugé que « les termes à titre conservatoire ne manifestent pas clairement à l’assureur la volonté de résilier irrévocablement le contrat, que les lettres successives de résiliation ne respectent pas les modalités et délais de dénonciation du contrat » pour condamner l’assuré à payer à l’ancien assureur les primes impayées. Conscient des difficultés rencontrées par les clients dans le cadre de la résiliation à échéance, le législateur a voulu, avec la loi Chatel, améliorer l’accès à l’information du consommateur sur ce mode de résiliation, puis assouplir ses conditions pour certains contrats, avec la loi Hamon.
Résiliation à échéance : Loi Chatel et devoir d’information des intermédiaires
Par la loi Chatel, loi du 28 janvier 2005, le législateur a souhaité que soit rappelée aux assurés la possibilité de résilier mais également la date d’échéance de leur contrat.
Elle crée un nouveau droit de résiliation à échéance dès lors que l’information préconisée est relayée au client hors délai (le délai étant : au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction) ou tout simplement n’est pas donnée, l’assuré pouvant alors résilier son contrat à tout moment à compter de la date de reconduction !
La résiliation effectuée dans ces conditions prendrait effet dès le lendemain de la date figurant sur le cachet de la poste, mettant à mal la pratique qui retenait la date de la réception, plus favorable pour les compagnies d’assurances.
Cependant, les intermédiaires en assurances doivent être attentifs aussi bien lorsque l’intermédiaire reprend le risque à la concurrence après résiliation ou bien lorsqu’il réalise la résiliation en tenant compte de la date de prise d’effet de la résiliation.
Dans la mesure où la loi n’impose pas à l’assureur de confirmer à l’assuré la prise d’effet de la résiliation sollicitée et compte tenu du formalisme allégé de la résiliation, l’assuré peut se retrouver en situation de « trou de garantie » s’il n’a pas souscrit de nouveau contrat pour garantir le risque résilié ou si le contrat nouvellement souscrit ne prend effet que postérieurement à la date de prise d’effet de la garantie.
De la même manière, la souscription d’un nouveau contrat après résiliation peut entraîner des situations de cumuls d’assurance si l’intermédiaire en assurances n’a pas étudié la concordance entre la prise d’effet de la résiliation et la prise d’effet du nouveau contrat.
La loi Chatel ne protège donc pas davantage le consommateur dans sa faculté de résiliation de son contrat à échéance. Mais qu’en sera-t-il à la suite de la mise en pratique des dispositions de la loi Hamon ?
Concurrence : Loi Hamon et nouveau mode de résiliation
L’objectif de cette loi vise principalement à faire jouer la concurrence entre les compagnies pour les encourager à proposer des tarifs plus compétitifs.
Contrairement à la loi Chatel, la loi Hamon ne bouleverse pas seulement le formalisme du devoir d’information concernant la résiliation de certains contrats, mais bien le fondement même de la résiliation de certains contrats à tacite reconduction. Les assurés pourraient mettre un terme à leurs contrats habitation, auto ou affinitaire, à tout moment, sans frais et de manière discrétionnaire, après un an seulement d’engagement, par l’envoi d’une lettre simple ou tout autre support durable par le client.
Il faudra attendre la publication des décrets d’application pour connaître les détails qui seront retenus pour la mise en pratique de la loi. Les dispositions de la loi présagent d’ores et déjà des situations de mises en cause auxquelles seront confrontés les intermédiaires en assurances.
La loi différencie la résiliation des contrats non obligatoires des contrats obligatoires. l Pour les contrats d’assurance obligatoire, la loi a posé des garde-fous en imposant la preuve d’une nouvelle souscription avant de pouvoir demander la résiliation de son contrat, l’article 61 de la loi disposant que « le nouvel assureur effectue pour le compte de l’assuré souhaitant le rejoindre les formalités nécessaires à l’exercice du droit de résiliation dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article. Il s’assure en particulier de la permanence de la couverture de l’assuré durant la procédure », le projet de loi ayant antérieurement proposé la production « d’une pièce justifiant de la souscription d’un nouveau contrat couvrant la garantie obligatoire à partir de la date d’effet de résiliation prévue ».
La loi n’a pas précisé quelles pourraient être les pièces justifiant de la permanence de la couverture et de la souscription d’un nouveau contrat : un devis signé par l’assuré et remis à l’agent général suffira-t-il à démontrer la souscription d’un nouveau contrat alors même qu’aucune information sur la prise d’effet du contrat ne sera fournie et qu’aucune prime n’aura été réglée ? Le nouvel assureur devra-t-il fournir un exemplaire des conditions particulières signées et prouver que la prime a été réglée ?
De la même manière, l’agent général qui recevra une demande de résiliation de la part d’un nouvel assureur devra-t-il s’y opposer en l’absence de preuve suffisante de la permanence de la couverture ? Autant de questions qui supposent une grande vigilance de la part des intermédiaires dans l’application de cette loi. Il n’y a pas de doute que l’intermédiaire, quelle que soit la qualité qu’il aura, pourra voir sa responsabilité recherchée en cas de préjudice subi par son client du fait de la résiliation d’un contrat obligatoire ne respectant pas les dispositions du texte de loi. On peut imaginer que les clients profiteront de ce texte de loi pour pallier leur négligence dans le choix de leur contrat en utilisant ces dispositions pour rechercher la responsabilité de l’intermédiaire dans le cadre d’une reprise à la concurrence avec des garanties moindres.
Bien que des garde-fous n’aient pas été prévus pour les contrats non obligatoires, les problématiques n’en sont pas moins présentes et la permanence de la couverture reste la problématique principale de leur résiliation. En voulant protéger le consommateur, la loi pourrait en effet faire naître des situations dangereuses pour les assurés eux-mêmes motivés par une démarche économique, qui se répercuteront indéniablement sur les intermédiaires en assurances tenus de vérifier strictement les conditions requises pour la résiliation infra-annuelle et de mettre en garde leurs clients sur les conséquences de la résiliation d’un contrat d’assurance. Ces nouvelles dispositions législatives, élaborées dans le but de protéger le consommateur, pourraient ne pas remplir leurs objectifs, les assurés se retrouvant noyés sous un flot d’informations regroupées dans un seul et même document, et exposés au risque de « trou de garantie » multipliant ainsi les situations de mises en cause des intermédiaires en assurances.