La profession d’intermédiaire en assurances (IA) est réglementée ; en application de la loi du 15 décembre 2005, l’activité d’intermédiation « consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d’assurance ou de réassurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion ». Par ailleurs, le devoir de conseil a été légalisé. Le recours à un intermédiaire en assurances constitue donc une protection supplémentaire pour le client. Cependant l’intervention de l’intermédiaire n’est pas sans limite, aussi nous a-t-il paru nécessaire de rappeler quel était son rôle premier tant vis-à-vis de ses clients que de ses partenaires.

Un rôle qui ne cesse d’évoluer

Des magistrats vigilants

Les magistrats n’ont pas attendu la Loi du 15 décembre 2005 pour imposer à l’IA une obligation d’information et de conseil. En présence d’un litige entre un assuré et un IA, le juge s’attache à déterminer si l’information donnée a été – ou non – suffisante en fonction de la situation de l’espèce. C’est pourquoi les magistrats ont tendance à créer des obligations qu’ils estiment faire partie du rôle de l’IA.

Une société souscrit un contrat multirisques professionnels pour les besoins de son activité d’hôtellerie-restauration par l’intermédiaire d’un agent général. Suite à un incendie, la compagnie refuse sa garantie. L’agent est condamné au titre du devoir de célérité dans le suivi du contrat.
En l’état, l’agent dûment informé des travaux effectués par son client en cours de contrat, lui avait adressé une lettre lui indiquant qu’il convenait de prendre rendez-vous pour mettre le cas échéant le contrat en adéquation avec les travaux effectués. Cependant, l’agent n’a pas recontacté son client pour fixer une date de visite entre la date d’envoi de son courrier et la date du sinistre, soit trois mois plus tard. Les magistrats ont estimé « qu’il incombait à l’agent général de prendre l’initiative de visiter rapidement les lieux et d’éclairer le souscripteur sur l’adéquation du contrat avec les bâtiments ». A la lecture du jugement, on peut penser que, si l’agent avait pu démontrer avoir contacté son client, la décision des magistrats aurait pu être différente.

Des partenaires exigeants

Au-delà de la loi et la jurisprudence, le rôle de l’IA va également être déterminé par les accords qu’il aura signés avec la compagnie et l’assuré.

La compagnie

En effet, le mandat donné par la compagnie va déterminer les pouvoirs qu’elle délègue tant dans la souscription et la gestion des contrats que dans la gestion des sinistres. Par ailleurs ce mandat est en général complété par des règles de gestion.
Un client, jeune conducteur jamais assuré auparavant, vient souscrire une assurance auto. . L’agent lui fait remplir et signer le questionnaire proposition sur lequel il raye la partie « antécédents ». Quelques mois plus tard survient un sinistre dont l’assuré est responsable et après enquête, la compagnie apprend que l’assuré en avait déjà causé un précédemment. La compagnie met en cause l’agent pour non-respect des règles de souscription qui lui faisaient obligation de demander une attestation sur l’honneur déclarant n’avoir eu aucun sinistre responsable pour les personnes jamais assurées auparavant, or ce document n’était pas rempli et l’existence d’un sinistre antérieur excluait ce risque de la politique de souscription. En conséquence, il est impératif de prendre connaissance avec attention tant de l’étendue des pouvoirs délégués par la compagnie que des règles qu’elle entend être respectées, à défaut elle pourrait rechercher la responsabilité civile de son mandataire.

Le client
Le client va mandater, par écrit ou par oral, le courtier afin de souscrire un contrat et le gérer. Il appartiendra à ce dernier de justifier de la bonne exécution de son mandat.
Le client charge son courtier de déclarer son sinistre à la compagnie. Le courtier transmet la déclaration de sinistre par mail à la compagnie et adresse un accusé réception à son client. Quelques mois plus tard, le client interroge son courtier pour connaître la suite donnée à sa déclaration de sinistre. Le courtier interroge la compagnie qui lui oppose une déchéance de garantie car elle n’a jamais reçu le mail du courtier. Le client met en cause la responsabilité du courtier.
Dans cette hypothèse, le courtier était débiteur d’une obligation de résultat, il avait l’obligation de vérifier la réception de la déclaration par la compagnie.

Obligations multiples de l’intermédiaire Les limites de l’intervention

Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer, l’IA exerce sa profession dans un cadre très contraignant. Cependant, ces obligations ne sont pas sans limites. Ainsi, le rôle de l’IA s’arrête là où commence le devoir de l’assuré de déclarer son risque, toutes les fois où l’IA serait tenté de suppléer l’assuré et dans chaque situation dans laquelle l’IA sort du périmètre fixé par son mandat.

Le rôle de l’IA est encadré par les déclarations de l’assuré

Tant la loi que les magistrats tendent à responsabiliser l’assuré qui doit déclarer de manière exacte son risque conformément à l’article L113-2 du Code des Assurances et s’expose en cas de fausse déclaration à des sanctions (déchéance de garantie, règle proportionnelle ou nullité de contrat selon les cas). Par ailleurs, l’article L520-1 du Code des Assurances rappelle que le conseil doit être fondé sur les éléments d’informations communiqués par le souscripteur. En effet, qui connaît le mieux son activité que celui qui la pratique, sa maison que celui qui l’habite. L’IA doit conseiller son client sur les garanties à souscrire afin que le contrat soit adapté aux besoins de l’assuré mais ce conseil sera fonction des informations qui lui auront été communiquées par son client.
C’est donc l’assuré qui endosse la responsabilité de déclarer fidèlement les caractéristiques de son risque. En cas de non-respect de cette obligation légale, il en assumera seul les conséquences.
L’assuré déclare exercer une activité « d’étanchéité de toiture, de terrasse et de plancher intérieur ».
La compagnie oppose un refus de garantie suite à un sinistre car l’assuré exerçait une activité « étanchéité seule » qu’il n’a pas déclarée.
L’IA ne pouvait avoir connaissance de cette activité d’une part parce que l’assuré ne l’avait pas déclarée dans le questionnaire proposition, et d’autre part parce que cette activité ne ressortait pas des éléments remis à l’IA à la souscription (KBIS, carte de visite, papier en-tête de l’assuré).
Cette limite au rôle de l’IA doit toutefois être tempérée par l’obligation mise à la charge de l’IA de s’assurer que l’assuré a la parfaite connaissance du périmètre des éléments qu’il doit déclarer.
Dans l’exemple précédent, l’assuré pourrait reprocher à l’IA de ne pas avoir attiré son attention sur le fait que ne sont garanties que les seules activités déclarées au contrat.

L’IA ne peut pas se substituer à l’assuré

L’assuré et les conséquences de ses choix économiques
Si un sinistre n’est pas garanti, l’assuré se pose souvent la question de savoir si l’IA a rempli son rôle. Or, l’absence de garantie pour un assuré ne résulte pas nécessairement d’une faute commise par l’IA qui engagerait sa responsabilité civile. En effet, l’assuré reste responsable de ses choix concernant les garanties ainsi que le montant des garanties souscrites.
Ainsi, un client, gérant d’une société, qui reproche à un agent général d’avoir sous-évalué ses besoins en assurance suite à un sinistre incendie, se verra confronté aux conséquences de ses choix lorsque plusieurs devis ont été remis mais qu’il n’a donné son accord que sur le moins onéreux. L’IA a pu prouver par la production des devis que l’assuré a fait un choix éclairé sur le montant des garanties qu’il souhaitait souscrire.
L’assuré, notamment lorsqu’il est un professionnel, a la capacité technique de déterminer le montant de garantie car en qualité de chef d’entreprise, il connaît le montant de son stock, de son chiffre d’affaires…

Le rôle d’un IA ne peut consister à suppléer le souscripteur pour fixer l’évaluation des biens à protéger alors qu’il est le plus à même de la définir au regard de sa capacité technique. Le rôle de l’IA ne doit pas consister à pallier aux carences de l’assuré quant à ses devoirs fondamentaux.
La tentation de l’ingérence face à la passivité de l’assuré
L’IA peut être confronté à la désinvolture ou à la passivité de l’assuré et se mettre dans une situation délicate en souhaitant à tout prix préserver les intérêts de son client alors même que ce dernier les néglige. Il peut être tenté de se substituer à son client et agir en son nom et pour son compte.
Un assuré souhaite souscrire une garantie responsabilité civile décennale. Le courtier ayant obtenu un accord de principe d’une compagnie lui délivre une attestation. Le contrat n’est pas émis car l’assuré n’a pas transmis les éléments sollicités. Le courtier prend l’initiative de souscrire une nouvelle garantie auprès d’une autre compagnie. Il avertit l’assuré de ses démarches et signe le contrat en lieu et place de son client ainsi que l’autorisation de prélèvement. A réception d’un appel de prime, le client le met en cause pour faux et usage de faux considérant ne pas lui avoir donné mandat pour le faire. Le courtier, croyant son client non assuré, a pensé préserver ses intérêts, souscrivant un contrat en ses lieu et place. Toutefois, en se substituant à son client, le courtier a oublié le rôle qui lui était dévolu et qu’il ne lui appartenait pas de faire de la gestion pour autrui. Ainsi, en agissant de la sorte, il a exercé des prérogatives de l’assuré mais n’a pas fait ce que l’on attendait de lui, à savoir mettre en garde par écrit son client contre les conséquences liées à l’absence de remise des documents. Il appartenait à l’assuré ainsi informé de revenir vers lui le cas échéant pour souscrire le contrat.
L’IA sera encore plus vigilant vis-à-vis d’un assuré qui ne prend pas le temps de relire ou de signer son contrat, de rapporter des éléments demandés et promet de revenir le lendemain car il ne lui revient pas de remédier à la déficience de l’assuré.

L’IA face à un client mécontent
Une des situations les plus délicates auxquelles peut être confronté un IA est de devoir informer son client d’une absence de garantie car, en raison de liens amicaux qu’il entretient avec celui-ci ou encore d’un contexte commercial, l’IA peut être tenté de vouloir faire plaisir à son client. Il va alors considérer qu’il doit à tout prix pallier cette absence de garantie et exercer le rôle de l’assureur de protection juridique en tentant par exemple de faire un recours ou de solutionner un litige entre son client et un tiers. Un assuré a souscrit un contrat garantie des loyers impayés. A la suite d’une déclaration de sinistre, la compagnie refuse sa garantie car le locataire ne remplissait pas les conditions de garanties exigées. Le courtier décide de faire un recours contre le locataire pour aider son client. Le courtier n’arrivant pas à récupérer les fonds, il conseille à son client de prendre un avocat. Entre-temps, le locataire a organisé son insolvabilité.
L’IA a pris en charge le recours pour le compte de l’assuré mais, par méconnaissance, n’a pas effectué les mesures conservatoires qui auraient pu préserver les droits de son client. Le client ne peut plus recourir contre le locataire. Le courtier lui ayant fait perdre la possibilité de le faire est mis en cause par son client. Lorsque l’IA est interrogé sur un domaine qu’il ne maîtrise pas (techniques de bâtiments, compétences juridiques) car en dehors de son périmètre d’intervention, on attend de l’IA qu’il renvoie l’assuré vers les personnes compétentes (assureur de protection juridique, avocat, expert…). A défaut, en cas de réponse erronée, l’erreur de l’IA peut avoir de lourdes conséquences pour l’assuré et lui faire perdre un droit à recours, ce que l’assuré ne manquera pas de lui reprocher.

L’IA ne peut pas être décisionnaire en lieu et place de la compagnie

Comme nous l’avons rappelé précédemment, c’est le mandat qui lui a été confié qui fixe l’étendue de sa mission. Toutefois, l’IA peut se trouver en pratique dans une situation difficile, pris entre sa compagnie mandante qui tarde à prendre position sur un sinistre et un client qui s’impatiente. L’IA peut alors prendre une décision en lieu et place des services de la compagnie. La compagnie mandante de l’agent le met en cause pour avoir délivré une prise en charge pour un sinistre qui ne relevait pas de sa gestion. L’agent, sur l’insistance de l’épouse d’un artisan qui avait souscrit une garantie accident homme clé et afin de maintenir leur activité alors que l’artisan était hospitalisé, lui avait adressé un courrier pour lui confirmer que le coût du remplaçant serait pris en charge par la compagnie. Or, l’accident à l’origine de l’hospitalisation n’est pas garanti.
Dans notre exemple, l’agent qui n’avait pas les pouvoirs pour gérer ce type de sinistre, a engagé sa compagnie mandante puisque celle-ci, du fait du courrier de l’agent, n’a eu d’autre choix que de régler le sinistre. L’agent, qui n’avait pas consulté sa compagnie mandante pour obtenir un accord préalable de prise en charge, se voit exposé au recours de la compagnie au titre des sommes qu’elle a été contrainte de régler pour avoir délivré une prise en charge pour un sinistre qui ne relevait pas de sa gestion.

Préservation des intérêts, trouver le juste équilibre

Le métier d’IA est un métier riche, passionnant mais exigeant. Le client est toujours pressé, il veut souvent tout et tout de suite. La compagnie quant à elle attend également beaucoup de l’IA. C’est donc souvent à l’IA qu’il incombe de trouver le juste équilibre entre la préservation des intérêts de la compagnie et ceux de l’assuré, le tout, sans omettre de préserver les siens. Mais c’est également cette valeur ajoutée qui en fait un partenaire indispensable.