La capacité professionnelle de l’intermédiaire d’assurance (IA)
La directive 2002 demandait aux IA ainsi qu’à leurs collaborateurs de posséder des connaissances suffisantes pour débuter leur activité. DDA va plus loin en imposant une obligation de formation continue. Le nouvel article L511-2 du Code des assurances « CA » précise que sont concernés par cette obligation : « les IA, ainsi que leurs collaborateurs dont l’activité consiste à fournir des recommandations sur des contrats d’assurance, à présenter, à proposer ou à aider à conclure ces contrats ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion ».
Afin de garantir de leur expertise technique, ces professionnels devront donc à compter du 23 février 2019, date qui déroge à l’entrée en vigueur du 1er octobre 2018, suivre 15 heures de formation par an et par personne afin de maintenir un niveau de performance adéquat correspondant à la fonction qu’ils occupent et au marché concerné.
Un arrêté du ministre chargé de l’Economie, qui reste à paraître, déterminera le contenu et les caractéristiques des actions de formation ou de développement professionnel continu correspondantes en fonction de la nature des produits distribués, des modes de distribution et des fonctions exercées, qui devront être adaptés à la nature des produits vendus, au type de distributeur, à la fonction occupée et à l’activité exercée.
Cette nouvelle obligation de suivi des compétences professionnelles fera l’objet de contrôles de l’ACPR.
Ce qui change à compter du 23 février 2019 concernant la capacité professionnelle
- L’IA devra mettre en place une politique interne de formation et de suivi de ses collaborateurs. L’IA devra donc constituer des dossiers de formation (supports de formation, attestations…) pour justifier du respect de ces obligations.
- L’IA pourra former ses collaborateurs à condition que la formation qu’il aura lui-même suivie rentre dans le dispositif prévu par la loi.
La gouvernance produit
DDA a voulu une gouvernance produit pour s’assurer de l’adéquation de chaque produit d’assurance à un marché cible auquel il est destiné.
Ces nouvelles règles s’appliquent à tous les produits d’assurance (à l’exclusion des grands risques) nouvellement créés ainsi qu’aux adaptations significatives de produits d’assurances existants.
La création d’un système de gouvernance et de surveillance des produits d’assurance s’impose aux entreprises d’assurance principalement mais également aux IA qui conçoivent des produits d’assurance.
En effet, les IA peuvent être concernés par la gouvernance produit soit parce qu’en qualité de distributeurs, ils devront faire remonter aux concepteurs des alertes en cas d’inadéquation entre le produit et le marché cible, soit parce qu’ils seront co-concepteurs du produit avec l’assureur (ex. : courtiers grossistes).
Qu’est-ce qu’un intermédiaire concepteur ?
Le Règlement Délégué du 21/09/2017 sur la gouvernance et la surveillance des produits détermine qu’un IA agit en tant que concepteur lorsqu’il ressort « d’une analyse globale de son activité au cas par cas, qu’il décide de manière autonome des particularités essentielles d’un produit d’assurance et de ses principaux éléments, y compris la couverture, les coûts, les risques, le marché cible ou les droits d’indemnisation ou de garantie ».
Les IA, qu’ils soient simples distributeurs ou co-concepteurs doivent être en mesure de justifier auprès de la compagnie d’une part et de l’ACPR d’autre part, avoir rempli leurs obligations en termes de gouvernance produits. Ces nouvelles règles vont donc avoir un impact sur la responsabilité de l’IA en l’accroissant surtout lorsqu’il cumulera le rôle de co-concepteur avec celui de distributeur.
Ce qui est nouveau à compter du 1er octobre 2018 concernant la gouvernance produit
- Si l’IA n’est que distributeur, il devra obtenir les renseignements nécessaires pour assurer une distribution correcte du produit.
- S’il est co-concepteur avec l’entreprise d’assurance, un accord écrit devra obligatoirement être rédigé entre eux pour définir leurs rôles respectifs dans le processus de validation du nouveau produit.
La gestion des conflits d’intérêts
L’objectif de l’instauration de ces nouvelles règles est de s’assurer que le distributeur et ses salariés oeuvrent dans l’intérêt du client, la rémunération perçue ne doit donc pas influer sur leur prise de décision et générer un conflit d’intérêts.
Selon l’EIOPA , il existe un conflit d’intérêts dès lors que l’on se trouve dans au moins l’une de ces situations. L’IA (y compris ses managers, employés, ou une quelconque personne soumise à son contrôle) :
- est susceptible de permettre un gain financier ou d’empêcher une perte financière au détriment d’un client ;
- a une motivation pour favoriser les intérêts d’un client ou d’un groupe de clients plutôt que ceux d’un autre ;
- perçoit ou va percevoir de la part d’une personne autre que le client, un bénéfice monétaire ou non monétaire en relation avec l’activité de distribution fournie au client ;
- est substantiellement impliqué dans la gestion ou le développement des PIA et en particulier s’il a une influence sur le prix de ces produits ou sur leurs coûts de distribution.
Le nouvel article L521-1 III du CA vise tous les contrats d’assurance pour lesquels « Les distributeurs de produits d’assurance ne sont pas rémunérés ou ne rémunèrent pas ni n’évaluent les performances de leur personnel d’une façon qui contrevienne à leur obligation d’agir au mieux des intérêts du souscripteur ou de l’adhérent ».
Des dispositions spécifiques ont également été instaurées pour les produits d’assurance de capitalisation et pour certains contrats d’assurance vie (L522-1 du CA ) par la mise en place :
- de dispositifs organisationnels et administratifs efficaces formalisés par écrit, proportionnels aux activités exercées et aux produits distribués ;
- de procédures écrites de prévention, détection et gestion des conflits d’intérêts : la politique de conflits d’intérêts devant identifier les situations susceptibles de générer un conflit d’intérêts ayant des conséquences négatives pour un ou plusieurs clients et doit prévoir les solutions mises en place pour les éviter et les gérer.
Si l’IA estime néanmoins que les mesures mises en place ne permettent pas de garantir l’absence de conflit d’intérêt, il devra informer par écrit son client avant la conclusion du contrat de l’existence d’un conflit d’intérêt.
Il faut s’attendre à un renforcement du contrôle de l’ACPR notamment sur les schémas de rémunération. L’IA devra être en mesure de prouver que ses schémas de rémunération ne sont pas incompatibles avec les intérêts de ses clients.
Ce qui est nouveau à compter du 1er octobre 2018 concernant la gestion des conflits d’intérêts
- L’IA va devoir :
– passer en revue éventuellement les accords et protocoles de rémunération et notamment la conformité des incitations commerciales ;
– identifier les situations potentielles de conflits d’intérêts ; – effectuer un travail de rédaction des différents dispositifs mis en place. - Il tient un registre revu au moins annuellement où seront enregistrées les situations dans lesquelles un conflit d’intérêts comportant un risque d’atteinte aux intérêts du client est apparu ou risque d’apparaître.
L’information et la transparence
La Directive de 2002 avait ouvert la voie en imposant un certain nombre de mentions obligatoires aux IA dans un but de protection de la clientèle. Ainsi, l’IA devait fournir au souscripteur des informations relatives notamment à son identité, à son immatriculation et aux procédures de recours et de réclamation, ainsi que, le cas échéant, à l’existence de liens financiers avec une ou plusieurs entreprises d’assurance.
DDA continue sur la même lancée en complétant les informations précontractuelles à fournir aux clients.
Ainsi, à compter du 1er octobre 2018, l’IA devra fournir au souscripteur ou à l’adhérent éventuel préalablement à tout contrat des informations relatives :
Au processus de commercialisation :
DIA avait consacré trois modalités de commercialisation dans son article L520-1 du CA. Le nouvel article L521-2 du CA introduit des informations supplémentaires à fournir par l’IA au souscripteur :
- il doit indiquer au souscripteur s’il propose un service de recommandation personnalisée concernant les contrats qu’il distribue.
- il indique au souscripteur le nom des compagnies avec lesquelles il peut travailler ou travaille s’il exerce selon la modalité B, c’est-à-dire une analyse d’un nombre restreint de contrats (auparavant, cette information n’était donnée que si le souscripteur en faisait la demande).
A la nature de sa rémunération :
En sus des mentions obligatoires figurant déjà sur son papier-en-tête, l’IA devra indiquer systématiquement son mode de rémunération. Ainsi, alors que l’information sur la rémunération n’était prévue que pour les courtiers qui se prévalaient d’une analyse objective du marché et qui présentaient, proposaient ou aidaient à conclure un contrat dont la prime annuelle excédait 20 000 euros, cette information est désormais rendue obligatoire pour tous les contrats d’assurance.
Au produit proposé :
DDA instaure de nouvelles obligations d’information qui n’existaient pas dans DIA selon la nature du produit.
Pour l’assurance non vie, l’IA doit fournir au souscripteur ou à l’adhérent le document d’information normalisé sur le produit d’assurance qui sera élaboré par le concepteur du produit (nouvel article L112-2 du CA). En pratique, c’est donc l’IA qui remettra ce document et devra être en mesure de justifier de sa remise.
Pour les produits d’investissement fondés sur de l’assurance « PIA », l’IA devra donner des indications relatives à la remise ou non d’une évaluation périodique de l’adéquation du PIA aux exigences du souscripteur, des informations sur les contrats et les stratégies d’investissement proposées comportant des orientations et des mises en garde appropriées sur les risques inhérents à ces contrats ou stratégies d’investissement, et des informations sur les coûts et frais de gestion y compris les coûts de distribution supplémentaires éventuels non indiqués dans le document d’information clé. Ces informations sont fournies au souscripteur au minimum chaque année pendant la durée de vie de l’investissement.
Tant l’ACPR que les Tribunaux ne manqueront pas de vérifier le respect de ces nouvelles obligations sources potentielles de nouveaux litiges.
Ce qui change à compter du 1er octobre 2018 concernant l’information et la transparence
Pour tous les produits :
l’IA devra modifier sa fiche intermédiation pour intégrer les informations sur son mode de rémunération, et celles sur le processus de commercialisation quel que soit le produit distribué.
Pour l’assurance non vie :
- L’IA remettra une fiche produit en matière d’assurance non vie au souscripteur. Pour les PIA : l L’IA indiquera au souscripteur, dans la fiche intermédiation, s’il propose un service de recommandation personnalisé.
- Il indiquera, dans sa fiche intermédiation, les coûts et frais de gestion du PIA (y compris les coûts de distribution supplémentaires si le souscripteur en fait la demande).
- Il remettra un document d’information sur le contrat et les stratégies d’investissement au souscripteur.
Le devoir de conseil
DDA a poursuivi le travail engagé par DIA en accroissant les obligations à la charge des IA en matière de conseil pour protéger le consommateur. L’ordonnance de transposition de DDA du 16 mai 2018 module quant à elle, en fonction du contexte français, les obligations introduites par DDA en matière de conseil.
Pour l’assurance non vie, l’IA devra, comme sous l’empire de DIA, recueillir les exigences et les besoins du client et la raison qui motive le conseil sur un produit d’assurance déterminé. S’ajoutent cependant de nouvelles obligations, issues du nouvel article L521-4 du CA, consistant à justifier de la cohérence du contrat d’assurance proposé, et également si l’IA propose le service de recommandation personnalisée justifier en quoi le contrat proposé parmi d’autres contrats correspond le mieux aux exigences et aux besoins du souscripteur entraînant un travail de comparaison entre les contrats.
Pour les PIA, il devra selon le nouvel article L522-5 du CA, outre les obligations issues de DIA précitées, justifier que le contrat est cohérent aux besoins exprimés et également les raisons qui motivent le caractère approprié du PIA proposé. Si l’IA propose le service de recommandation personnalisée, il devra en outre expliquer au souscripteur éventuel en quoi ce contrat ou cette option d’investissement parmi d’autres contrats ou options est le plus adapté à ses exigences, sa tolérance au risque et sa capacité à subir des pertes.
Pour les PIA, elle consacre également une obligation de conseil en cours de contrat qui n’avait été dessinée jusqu’alors que par la jurisprudence. Cette évaluation périodique des PIA recommandés ne sera cependant obligatoire que si l’IA s’est engagé en ce sens vis-à-vis du souscripteur (nouvel article L522-6 CA).
A l’aube de l’entrée en vigueur de ces dispositions, il est à craindre en matière de conseil une aggravation de la responsabilité de l’IA. En effet, l’introduction dans les nouvelles dispositions légales de notions subjectives telles que contrat « cohérent » ou « approprié » risque de rendre très disparate la vision de l’ACPR ou des Tribunaux du conseil pertinent.
Si l’ordonnance du 16 mai 2018 est présentée pour les IA comme un changement dans la continuité, en réalité son application suppose de grandes réformes structurelles pour les IA. L’heure est aujourd’hui à son application qui ne saurait se faire qu’au prix de nouveaux efforts pour les IA sur lesquels pèsent des obligations renforcées donnant matière à de nouveaux types de contrôle de l’ACPR et de nouvelles sources de contentieux.
Ce qui change à compter du 1er octobre 2018 concernant le devoir de conseil
Pour l’assurance non vie :
- L’IA devra justifier dans la fiche conseil, établie préalablement à la souscription de tout contrat, de la cohérence du contrat aux besoins exprimés par le souscripteur éventuel.
- Si l’IA propose un service de conseil personnalisé, il devra expliquer en quoi parmi plusieurs contrats ou plusieurs options au sein du contrat, un ou plusieurs contrats correspondent le mieux aux exigences et besoins du souscripteur.
Pour les PIA :
- L’IA devra justifier dans la fiche conseil, établie préalablement à la souscription de tout contrat, de la cohérence du contrat aux besoins exprimés, puis des raisons justifiant le caractère approprié du contrat proposé.
- S’il propose un service de conseil personnalisé (préalable à la souscription d’un contrat), il devra expliquer en quoi parmi différents contrats ou différentes options d’investissement au sein d’un contrat, un ou plusieurs contrats ou options sont plus adéquats à ses exigences et en particulier plus adaptés à sa tolérance aux risques et sa capacité à subir pertes.
- S’il propose une évaluation périodique de l’adéquation des PIA, l’IA établira alors une nouvelle fiche conseil pour justifier en cours de contrat (mise à jour) que le PIA répond toujours aux préférences, objectifs et autres caractéristiques du souscripteur.