Contexte réglementaire

Tous les deux ans, selon l’article 41 de la Directive 2016/97 (DDA), la Commission européenne doit remettre au Parlement Européen un rapport faisant le point sur l’application de DDA et le niveau de protection des consommateurs.

Il est en de même pour l’AEAPP (Autorité Européenne des Assurances et des Pensions Professionnelles), plus connue sous l’acronyme anglais l’EIOPA, qui évalue les changements de structure du marché de l’intermédiation en assurance ; l’évolution des grandes tendances de l’activité transfrontalière ; l’amélioration de la qualité du conseil et des méthodes de vente et l’incidence de DDA sur les intermédiaires d’assurance.

Parallèlement, dans un cadre plus général de révisions des textes réglementaires tels Solvabilité II, MIF etc… la Commission européenne a lancé en mai 2021 une consultation auprès d’associations de consommateurs, d’investisseurs particuliers, d’établissements de crédit, de compagnies d’assurances, d’autorités nationales, d’universitaires… Cette consultation avait pour objectif d’encourager l’investissement des ménages européens au sein de l’UE et ce en vue de financer notamment la politique de réarmement et la transition écologique mais également de soutenir la croissance économique.

A la suite de ces échanges, fut élaborée la RIS qui souligne la nécessité de :

  • faciliter l’accès aux produits d’épargne,
  • améliorer les conditions d’investissement pour les particuliers au sein de l’Union Européenne.
  • augmenter la protection des investisseurs par la mise en place de règles plus strictes en matière de transparence et de responsabilité pour les distributeurs de produits d’investissement.
  • prendre en compte la diffusion numérique.

Ces deux textes sont intimement liés et les solutions préconisées sont similaires même si la RIS ne vise pas seulement les compagnies d’assurances et les intermédiaires, contrairement à DDA.

A ce jour, aucun des deux textes n’a été finalisé mais leur adoption devrait intervenir courant 2026.

Les grands principes de la RIS

Entre mai 2023 et juin 2024, les institutions européennes (Commission, Parlement et Conseil) ont chacune publié leur proposition de texte. Elles doivent désormais se réunir afin d’élaborer une directive commune.

Des travaux publiés à ce jour, il ressort que de nouvelles contraintes seront imposées aux intermédiaires : information précontractuelle renforcée, présentation claire des caractéristiques du produit, des risques et des avantages du placement, meilleure transparence des coûts, des frais…

Le mode de rémunération des intermédiaires

La question du maintien du système des commissions a été posée. In fine, les trois institutions se sont, avec de larges variantes, accordées sur le maintien de ce système avec pour corollaire davantage de transparence sur le coût final pour le client et la rémunération de l’intermédiaire.

En France, l’ACPR avait pris les devants puisque dans sa Recommandation du 28 juin 2024, (Cf CGPA conseils novembre 2024) elle rappelait :

  • Le distributeur doit faire en sorte que sa rémunération ne contredise pas son obligation de loyauté vis-à-vis de son client.
  • La rémunération ne doit pas inciter un distributeur à conseiller un produit moins judicieux ou qui ne corresponde pas aux besoins du client.
  • Il est fortement déconseillé d’instaurer une politique de rémunération incitative qui aboutirait à des situations à rebours des intérêts du preneur d’assurance (par exemple, ne pas proposer le produit présentant le meilleur rapport qualité / prix au regard des garanties proposées).
  • Il est plus que déconseillé d’introduire une politique de rémunération des personnels distribuant des produits de plusieurs concepteurs différents.
  • En revanche, il est envisageable de mettre en œuvre une politique de rémunération encourageant la vente au respect du marché cible et de ses éventuelles segmentations.
  • Enfin, il est recommandé d’intégrer dans les dispositifs de contrôle interne, les vérifications nécessaires pour veiller à l’adéquation des opérations de distribution aux besoins et objectifs du client.

En matière d’assurance-vie, les recommandations de l’ACPR sont encore plus strictes.

Est prohibée toute rémunération variable uniquement fondée sur des données commerciales quantitatives, à l’instar des volumes des ventes. De même est prohibé tout sur-commissionnement au titre de l’encours des seuls supports en unités de compte ou d’opérations analogues ne correspondant pas aux besoins et exigences du client.

L’amélioration de la transparence et de l’envoi d’information

La RIS part du constat selon lequel les investisseurs connaissent des difficultés pour trouver des informations pertinentes, comparables et facilement compréhensibles, les aidant à prendre leurs décisions.

La transparence sur le rendement des investissements devra être améliorée, en fournissant par exemple des rapports périodiques aux investisseurs de détail sur l’état et la performance des produits.

Les clients devront être davantage informés des risques encourus. Il est préconisé l’envoi de documents d’information standardisés, clairs et précis permettant une meilleure comparaison.

La RIS souhaite également imposer des règles en matière de publicité des produits d’investissement afin de supprimer toute annonce trompeuse qui minimiserait les risques, les coûts et les inconvénients.

La règle de Value for money (VFM)

Cette règle peut être définie par l’obligation pour les intermédiaires d’assurance notamment, de veiller à ce que le client paie un prix juste au regard des garanties souscrites et du risque pris.

Il est introduit la notion de « best interest test » qui impose aux professionnels d’agir au mieux des intérêts de leur client. L’intermédiaire devra recommander le produit le plus adapté aux besoins du consommateur et ce même si cette solution est moins rémunératrice pour lui.

Le professionnel aura l’obligation, en cas de contrôle de son autorité de tutelle, de justifier de ses choix.

Le benchmarking, une vision transverse de l’offre européenne

La RIS prévoit également un référentiel européen commun pour des groupes d’instruments financiers comparables, fabriqués et distribués dans plus d’un État membre. Ces critères représentent des points de référence utilisés par les autorités nationales compétentes pour évaluer les caractéristiques qualitatives et quantitatives des produits d’investissement fabriqués ou distribués sur le marché.

Le benchmarking, ou analyse comparative, est une méthode stratégique qui consiste à comparer les performances, processus ou produits d’une organisation avec ceux de la concurrence.

Doit être pris en considération le prix, le rendement et les qualités particulières du produit.

Les produits et services offerts aux consommateurs doivent avoir une valeur ajoutée suffisante, en comparaison avec les différentes options d’investissement sur la base de leurs performances, frais et qualité.

Toutefois, plusieurs problèmes vont se poser dès lors que le marché de l’UE n’est pas homogène :

  • quelles seront les normes et qui va les établir ? L’Union Européenne, les autorités nationales ?
  • tous les produits devront-ils et surtout pourront-ils être évalués ?
  • ce système ne va-t-il pas conduire à un contrôle des prix et à pousser les producteurs/distributeurs à ne proposer que des produits “simples” ?
  • une dépendance excessive aux benchmarks ne risque-t-elle pas de limiter les choix et de défavoriser les innovations ou les produits alternatifs, l’investisseur se « contentant » des indices traditionnels ?
  • les référentiels seront- ils accessibles au public ou réservés à la supervision ?

En France, la Recommandation R01 2024 du 28 juin 2024 de l’ACPR a rappelé tant ce concept de « value for money » que celui de benchmarks. Les professionnels doivent impérativement s’assurer que les coûts d’un produit sont justifiés et proportionnés au regard de sa performance, de ses objectifs, ses caractéristiques et sa stratégie (Cf. numéro CGPA Conseils de novembre 2024).

Dans la RIS, il est prévu une clause de revoyure d’une durée de 5 ans à compter de l’entrée en application du texte, pour encourager le secteur à se conformer à l’ensemble des règles, sous peine de voir le débat sur l’interdiction des commissions rouvert.

Les textes adoptés par les différentes institutions européennes font actuellement l’objet de discussions en vue d’une directive qui devrait être finalisée en 2026 puis transposée en droit français.

Révision de DDA, les pistes d’évolution

La directive exige que les distributeurs doivent agir « de manière honnête, impartiale et professionnelle, et ce au mieux des intérêts de leurs clients ». Ainsi la directive s’articule autour de 4 piliers.

Les 4 piliers de la directive

L’information et le devoir de conseil

Le concepteur de produit d’assurance doit élaborer un DIPA (document d’information sur le produit d’assurance) que l’intermédiaire doit remettre au client. Ce document synthétise les garanties, la zone de couverture, les exclusions, les obligations, la durée du contrat d’assurance…

Le devoir de conseil est synthétisé en 4 étapes clés :

  • La collecte des exigences et besoins du prospect,
  • La sélection des produits correspondant à ses besoins,
  • La présentation des produits correspondants,
  • La remise des éléments d’informations.

Le client doit être en mesure de comprendre ce pour quoi il s’engage de manière claire et harmonisée au sein de l’UE.

La transparence des distributeurs vis-à-vis du public

Le distributeur a un devoir d’honnêteté vis-à-vis du client et doit l’informer de son éventuelle partialité ou de tout conflit d’intérêt. Il doit indiquer clairement la nature de sa rémunération et doit afficher la participation qu’il détient dans le capital d’une entreprise d’assurance lorsqu’elle dépasse 10 %.

Des exigences professionnelles

Afin d’assurer la professionnalisation des acteurs de la distribution d’assurance, une formation DDA de 15 heures annuelle est imposée.

La surveillance et gouvernance des produits

Le POG (Product Oversight and Gouvernance) permet de structurer la conception, la distribution des produits d’assurance et leur pilotage.

Les points d’attention de l’EIOPA

Dans ses deux derniers rapports (2022 et 2024) l’EIOPA fait le point sur l’application de la directive et détaille trois thématiques.

Changements dans la structure du marché européen

Au niveau européen, plusieurs constats s’imposent :

Le nombre d’intermédiaires « personnes physiques » diminue, tandis que la proportion d’intermédiaire constitués en personne morale augmente. Ceci s’explique notamment par la consolidation du secteur, la numérisation, l’augmentation de l’âge des intermédiaires et les exigences professionnelles plus strictes au niveau national.

Au niveau national, l’ORIAS avait noté dès 2023 la première baisse des immatriculations et des inscriptions depuis 2007.

Quant aux canaux de distribution, les bancassureurs continuent à jouer un rôle important dans la distribution de l’assurance-vie ; les agents restent prédominants pour l’assurance non-vie.

Le volume des ventes en ligne reste faible dans la plupart des États membres, mais augmente chaque année.

Au cours des deux dernières années l’inflation et la hausse des taux d’intérêt ont eu un impact significatif sur le marché de l’assurance. Le coût des sinistres s’est avéré plus élevé pour les entreprises d’assurance et le pouvoir d’achat des consommateurs a été réduit.

Impact du nouveau cadre réglementaire

Impact sur le niveau de professionnalisme et de compétence des distributeurs d’assurance.

L’EIOPA a noté une large amélioration des formations et du professionnalisme, mais des lacunes sont également mises en avant en ce qui concerne par exemple le contenu des formations sur la gouvernance et surveillance des produits (POG) et sur les aspects liés à la durabilité, notion qui doit être au centre des préoccupations des consommateurs et par voie de conséquences des distributeurs qui devront sans doute, dans l’avenir, suivre une formation sur cette question.

Impact sur la numérisation et croissance de nouveaux modèles de distribution.

L’EIOPA a constaté certains « dysfonctionnements » qui vont à l’encontre des objectifs d’uniformisation des standards de distribution des produits d’assurance et de protection accrue du consommateur.

Parmi les « dysfonctionnements » relevés, on peut citer :

Face à la multiplication des informations remises au client par voie électronique et/ou sur support-papier, le consommateur se retrouve totalement noyé sous sur une pluie de documents dont en définitive il ne prend pas connaissance.

Le client doit pouvoir mieux comprendre les caractéristiques, le fonctionnement et le coût des produits.

La digitalisation des processus de vente (comme la souscription en ligne) reste insuffisamment encadrée et ne permet pas de s’assurer que l’information a été effectuée dans des termes clairs et que le consentement éclairé a bien été recueilli.

La chaine d’intermédiaires (comparateur d’assurances, plateforme…) complexifie l’identification du débiteur de l’obligation de conseil.

S’agissant du comparateur d’assurance : dans la mesure où il présente, propose ou aide à la conclusion d’un contrat, il agit en qualité d’intermédiaire au sens de l’article L 511-1 du code des assurances et doit donc être immatriculé à l’ORIAS. Il doit respecter l’ensemble des obligations attachées à cette qualité comme le devoir d’information précontractuelle sur les contrats proposés.

Il se doit d’informer l’internaute du fonctionnement du service de comparaison, l’existence d’une éventuelle rémunération à son profit, des garanties, franchises…

Quant aux plateformes situées hors de l’UE, la pratique est certes autorisée par l’ACPR sous certaines conditions (droits des salariés, existence d’une succursale…) mais elle est difficilement encadrée et les prestations de ces plateformes souffrent d’un taux de réclamations important.

L’EIOPA évoque également les opportunités et les risques découlant de l’utilisation de l’Intelligence Artificielle (robots-conseillers, nécessité d’équité dans les pratiques tarifaires, Chatbots etc…)

Pour remédier à ces difficultés, il est envisagé :

–  un meilleur recueil du besoin des clients,

–  une clarification des obligations de chaque acteur de la chaîne de distribution,

– un allègement des supports d’information et ce afin de permettre une information pertinente et accessible dans un souci de protection du consommateur.

– le choix, laissé au consommateur, du support sur lequel les informations précontractuelles lui sont transmises (électronique ou papier). En revanche, il n’y aura pas de possibilité d’un retour au format papier, une fois la digitalisation actée.

En assurance-vie, il est en plus préconisé :

– L’envoi annuel « d’un relevé clair de la performance du portefeuille détaillant clairement les coûts facturés et le rendement de leurs investissements ».

– L’introduction d’avertissements obligatoires sur les risques, destinés à aider les consommateurs à prendre des risques en adéquation avec leur profil.

Impact sur la qualité des conseils et des méthodes de vente

Si dans certains Etats membres, des enquêtes mystères ont pu révéler des lacunes importantes notamment dans le démarchage téléphonique, le législateur français avait pris les devants pour mettre en place des bonnes pratiques commerciales (Cf n° d’octobre 2024).

La législation nationale a encore été renforcée puisque le 21 mai 2025 a été votée une loi encore plus drastique.

A compter de son entrée en vigueur le 11 août 2026, plus aucun démarchage téléphonique ne sera permis sauf dans deux hypothèses :

  • Le consommateur a donné un accord préalable, formel, clair et éclairé.
  • L’entreprise a la possibilité de contacter ses clients pour leur proposer un produit ou service en relation avec un contrat déjà en cours.

Incidence sur le cadre de surveillance

Conflits d’intérêts et rémunération

En France, cette question a d’ores et déjà été traitée par l’ACPR (cf. Recommandation 2024 R-01 du 28 juin 2024 CGPA Conseils numéro de novembre).

Vente croisée de produits financiers, assurances affinitaires

Selon l’EIOPA, en matière d’assurances affinitaires, le devoir de conseil est peu ou mal rempli, l’ACPR a d’ailleurs sur ce point rappelé la nécessité d’un conseil avisé et clair à fournir aux clients (cf. CGPA Conseils numéros octobre et novembre).

Exigences en matière de POG

En France et depuis le 1er janvier 2024, la Recommandation ACPR 2023-R-01 et surtout depuis le 28 juin 2024, date d’entrée en vigueur de la Recommandation ACPR 2024 R01 du 28 juin 2024, les obligations des concepteurs et des courtiers grossistes en matière de « gouvernance et surveillance des produits » ont été accentuées.

En résumé, à chaque mise sur le marché d’un nouveau produit ou en cas d’adaptation significative (exemple : modification des plafonds, des franchises…), l’assureur et/ou le courtier grossiste doit se doter et pouvoir justifier d’une “grille d’analyse et de critères objectifs” pour caractériser les adaptations envisagées des produits.

A cette fin, il se doit de :

  • définir un marché cible spécifique (clients ayant des intérêts commun),
  • vérifier que le produit est totalement adapté au client et ce tout au long de la relation commerciale,
  • retirer le produit du marché en cas de doute.

En conclusion, si l’adoption de la RIS et la révision de DDA vont sans aucun doute apporter des modifications dans l’exercice de l’intermédiation, il n’y aura guère de bouleversements majeurs en France dès lors que les recommandations ACPR et notre législation sont déjà très protectrices des intérêts des consommateurs et ont anticipé sur certains points les textes européens.

D’ores et déjà et en date du 6 juin 2025, l’ACPR a mis en demeure un courtier grossiste pour différentes carences notamment :

  • dans la sélection de ses partenaires distributeurs,
  • dans le suivi et la qualité des ventes, en particulier pour les ventes réalisées à distance par démarchage téléphonique via des plateformes de ses distributeurs situées hors de l’Espace économique européen (en Tunisie).
  • dans la prise en compte des réclamations présentées par les assurés.

Si le courtier a prévu des mesures correctives, elles ont été jugées à ce stade insuffisantes par l’autorité de contrôle.

Dans son communiqué, l’ACPR a rappelé que « les professionnels animant un réseau de distribution de produits d’assurance doivent garantir une sélection des distributeurs composant ce réseau et un suivi effectif de la qualité de la distribution par ses membres. En effet, la gouvernance et la surveillance des produits concernent tous les acteurs de la chaîne de distribution, assureurs et intermédiaires, qui doivent agir « de manière honnête, impartiale et professionnelle et ce, au mieux des intérêts du souscripteur ou de l’adhérent » (article L. 521-1 du Code des assurances). »