Sous cette terminologie commune, se trouve ainsi l’ensemble des garanties qui ont trait à la protection de la personne comme le décès, l’invalidité, l’incapacité, la perte de revenus, etc. Leur spécificité se vérifie à plusieurs égards et notamment à deux titres avec une conséquence directe sur la manière dont l’intermédiaire doit les appréhender.
Elles ont tout d’abord la singularité d’être régies par deux corps de règles qui vont trouver à s’appliquer alternativement en fonction de la garantie considérée et la difficulté tient pour l’essentiel dans le fait que ces garanties sont commercialisées de manière packagée.
Le risque pour l’intermédiaire : ne tenir compte que de l’enveloppe commune qui les englobe avec la tentation de soumettre l’ensemble de ces garanties à un même corps de règles. Par ailleurs, la règlementation à venir semble poursuivre la distinction déjà initiée entre les assurances de personnes « non-vie » et le cas particulier de l’assurance vie pour laquelle un conseil accru et des exigences de formalisation renforcées seront attendus.
Des mécanismes juridiques distincts
Afin de proposer une couverture satisfaisante à leurs prospects, les compagnies d’assurance proposent les garanties relatives à la personne sous forme packagée.
Ainsi en est-il par exemple des contrats collectifs à destination des travailleurs non-salariés qui proposent tout à la fois des garanties en cas de décès prévoyant le versement d’un capital, une garantie Invalidité Permanente Totale ou encore une garantie Perte Totale et Irréversible d’Autonomie.
Toutefois, si ces garanties sont réunies au sein d’un même contrat d’assurance, elles vont obéir à des régimes juridiques différents.
En effet, le Code des Assurances prévoit des règles applicables aux assurances de personnes « non-vie » et des règles spéciales à l’assurance-vie à laquelle il réserve un régime juridique propre.
Le capital décès, qui dépend de cette dernière, obéira en conséquence au régime qui la concerne.
En revanche, les garanties relatives au maintien de salaire par exemple, dépendront du régime juridique commun aux assurances de personnes « non-vie ».
L’intermédiaire devra, pour éviter de voir sa responsabilité mise en cause, être attentif aux mécanismes juridiques propres à chacune des garanties présentes au sein du même contrat.
Dans une première affaire, l’assuré adresse au courtier une demande par laquelle il sollicite l’augmentation tant de ses indemnités journalières en cas d’incapacité que de son capital décès. La demande est transmise par le courtier à la compagnie qui n’y apporte pas de réponse avant le décès de l’assuré. Les ayant-droits sollicitent le capital décès conformément à la demande du souscripteur en se prévalant des dispositions de l’article L112-2 alinéa 5 du Code des assurances qui répute acceptée toute demande de modification par l’assurée qui n’est pas refusée dans les 10 jours de sa réception par la compagnie. La compagnie accepte de considérer que la modification sur les indemnités journalières était bien acquise à l’assuré, depuis décédé, mais pas celle au titre du capital décès.
Cet exemple illustre la différence de régime juridique entre d’une part la garantie Invalidité et d’autre part le capital décès. En effet, la garantie Invalidité, qui dépend du régime juridique des assurances de personnes « non-vie », peut être modifiée par application de l’article L112-2 alinéa 5 du Code des Assurances.
En revanche, un tel effet ne pouvait se produire relativement au capital décès, l’article L112-2 du Code des assurances rappelant expressément qu’il ne trouve pas application en matière d’assurance-vie.
En l’espèce, la modification du capital décès était ainsi suspendue à un nouvel examen du risque par l’assureur et ne pouvait être obtenue sur simple sollicitation de l’assuré.
L’intermédiaire doit être bien conscient de cette réalité puisqu’il lui appartiendra d’informer le client de la recevabilité de sa demande et le cas échéant, de traiter ou au contraire de renvoyer celle-ci à la compagnie pour gestion selon les contours de sa délégation.
D’autres exemples illustrent la difficulté à concilier, au sein du même contrat, des garanties obéissant à des règles juridiques distinctes notamment en matière de non-paiement de prime (par exemple dans le cadre d’un contrat d’assurance collective souscrit par un travailleur non salarié.)
Pour la garantie décès relevant de l’assurance- vie, l’assureur ne pourra exiger le paiement de la prime et ne pourra sanctionner ce non-paiement que par une résiliation ou une réduction du contrat conforme aux dispositions de l’article L132-20 du Code des Assurances.
En ce qui concerne en revanche la garantie Invalidité, qui obéit aux règles d’assurances de personnes « non-vie », l’assureur pourra en poursuivre le paiement après avoir respecté la procédure de résiliation de l’article L113-3 du Code des Assurances.
Il y a donc deux règles juridiques distinctes qui cohabitent dans le même contrat, chacune d’ordre public.
Cette cohabitation n’est toutefois pas toujours simple à mettre en œuvre au regard de la rédaction parfois imprécise des contrats et la jurisprudence a pu se montrer hésitante sur le fondement juridique à retenir à l’occasion d’une résiliation par l’assureur pour non-paiement de prime.
Au-delà de cette problématique liée au fonctionnement du contrat, l’intermédiaire devra rester sensible au conseil à donner au client.
Un devoir de conseil différencié selon le produit ?
Si le devoir de conseil est au cœur des préoccupations de l’ensemble des intermédiaires en assurances distribuant des assurances de personnes, les obligations en termes de conseil sont devenues au fil du temps à géométrie variable selon le type « d’assurance de personnes » distribué par l’intermédiaire en assurances.
De 2005 à 2009, les obligations en termes de conseil des intermédiaires en assurances étaient indifférenciées (article L520-1 du Code des assurances) selon que le client avait souscrit un contrat d’assurance de personnes non-vie ou vie même si la jurisprudence avait déjà une approche différente en termes de conseil selon le contrat souscrit.
En 2009, l’ordonnance portant commercialisation de l’assurance-vie, qui a introduit un III à l’article L520-1 du Code des assurances, a amorcé un processus de différenciation entre assurance non-vie, dont les obligations en termes de conseil restaient inchangées, et assurance-vie, dont les obligations furent renforcées avec l’exigence pour l’intermédiaire en assurances d’approfondir le profil de son client (sa situation financière, ses objectifs d’investissement, ses connaissances et son expérience en matière financière) et de le mettre en garde, avant de délivrer son conseil, s’il ne communiquait pas l’ensemble de ces éléments.
En matière d’assurances de personnes non-vie (tel que le contrat de prévoyance par exemple), la jurisprudence n’a donc pas évolué de façon sensible, les magistrats continuant à calquer leur approche de la responsabilité de l’intermédiaire en assurances sur celle qu’ils avaient en matière d’assurance dommages.
A titre d’exemple, dans le cadre d’un litige opposant le client, souscripteur d’un contrat d’assurance de prévoyance de groupe à son courtier pour s’être contenté d’établir le nouveau contrat souscrit en fonction du précédent repris à la concurrence (notamment sur des modalités de calcul de la rente invalidité différente de celle de la convention collective), les magistrats ont « reproché au courtier de pas avoir sollicité la convention collective pour adapter le contrat » comme l’auraient fait les mêmes magistrats en présence d’un contrat d’assurance multirisque professionnelle en cas de défaut d’obtention du bail.
Dans un autre litige opposant le courtier à sa cliente infirmière libérale, titulaire d’un contrat d’assurance travailleurs non-salariés, qui se plaignait de l’insuffisance du montant des indemnités journalières (IJ) prévues en cas d’incapacité suite à un arrêt de travail, les magistrats ont examiné les éléments du dossier pour déterminer si le courtier avait bien tenu compte des besoins de la cliente pour en conclure que « le courtier n’avait pas manqué à son devoir de conseil estimant que les IJ proposées étaient en adéquation avec les revenus déclarés par l’infirmière » comme l’aurait fait un magistrat pour estimer si le montant de la garantie vol choisi par l’entrepreneur étaient en adéquation avec le montant des stocks déclarés par ce dernier lors de la souscription d’un contrat d’assurance multirisque professionnel.
En matière d’assurance-vie, les magistrats se sont en revanche montrés de plus en plus exigeants vis-à-vis des intermédiaires en assurances. En effet, les jurisprudences récentes témoignent d’une volonté des magistrats de se repositionner au moment de la souscription du contrat, pour déterminer si chacun des critères posés par la loi comme étant l’essence même du conseil ont été pris en considération par l’intermédiaire.
Dans une affaire récente, les magistrats ont examiné avec minutie le document de conseil établi et conservé par l’intermédiaire en assurances pour débouter finalement la cliente de ses demandes jugeant le recueil des éléments de connaissance du client par l’intermédiaire satisfaisant en indiquant : « aucun élément ne permettait de remettre en cause la fiabilité du placement proposé et recommandé à la cliente par le courtier. Ce placement correspondait tout-à-fait aux objectifs énoncés par la cliente qui recherchait un complément de revenus. La pièce n° 1 du dossier du courtier permet de retenir que la cliente disposait d’une certaine expérience en matière de placements financiers dont certains présentent un réel risque. Par ailleurs, elle disposait d’un patrimoine financier compris entre 100 000 euros et 500 000 euros, tout en étant propriétaire de sa résidence principale et en disposant de revenus confortables. Sa situation patrimoniale était dès lors tout à- fait compatible avec un investissement à long terme étant précisé comme l’avait indiqué le courtier dans son document de conseil que cet investissement avait également l’intérêt de pouvoir être transmis à son fils ».
Ce niveau d’exigence a été également maintenu par la jurisprudence en cours de contrat à l’occasion d’arbitrage ou de rachat.
Dans une autre affaire, les magistrats avaient été amenés à rechercher dans les éléments du dossier suite aux reproches formulés par le client de perte en capital si l’intermédiaire en assurances avait manqué à son devoir de conseil tant lors de la souscription du contrat d’assurance-vie qu’en cours de contrat lors de l’arbitrage réalisé. Les magistrats ont jugé que « l’intermédiaire en assurances avait bien respecté les souhaits du client lors de la souscription du contrat au regard du profil score défini, mais avait manqué à son devoir de conseil en cours de contrat à l’occasion de l’arbitrage réalisé qui avait eu pour effet, en l’absence d’un écrit du client manifestant son souhait de modifier son profil score, de s’éloigner du profil défini en dynamisant trop son épargne ».
Cette tendance à la différenciation, initiée par l’ordonnance du 30 janvier 2009, semble se poursuivre avec la Directive IDD dont la transposition est imminente en droit français (entrée en application prévue le 1er octobre 2018). En effet, la Directive IDD distingue désormais assurance non-vie et produit d’investissement fondé sur l’assurance. Cette volonté de différenciation est illustrée par ailleurs par l’exigence de la remise par les compagnies d’assurance de documents d’information distincts : en matière d’assurance non-vie : un document normalisé « l’IPID » ; en matière de produit d’investissement fondé sur l’assurance : pas d’exigence d’un document normalisé mais l’exigence de fournir des informations sur le suivi, la nature et les coûts et frais de gestion du produit, informations venant se juxtaposer avec les informations incluses dans le document d’information remis en matière d’instruments financiers (le règlement PRIPPS étant applicable au produit d’investissement fondé sur l’assurance à compter du 1er janvier 2018).
En matière de conseil, la Directive met en avant la notion de conseil personnalisé pour toutes les ventes. Cependant, encore une fois les exigences seront moindres en matière d’assurance de personnes non-vie où le conseil donné reposera essentiellement sur les seuls éléments d’information communiqués par le client, à charge pour l’intermédiaire de rapporter la preuve que le contrat souscrit est en adéquation avec ces éléments, alors qu’en matière de produit d’investissement fondé sur l’assurance, l’intermédiaire en assurances devra pousser son conseil toujours plus loin en menant une véritable enquête sur le client matérialisée dans une déclaration d’adéquation du risque dont l’intermédiaire en assurances sera tenu de justifier en cas de litiges.
La Directive IDD consacre donc définitivement la rupture entre assurances de personnes non-vie et assurance vie, l’assurance vie étant envisagée par la Directive comme une sorte de placement financier parmi tant d’autres ne justifiant plus d’être différenciée, en terme de conseil, des autres placements pour plus de lisibilité pour le consommateur.
A l’aune de ces changements, le métier d’intermédiaire en assurances ne connaît-il pas une véritable mutation le faisant évoluer vers deux métiers différents rendant plus complexe la distribution occasionnelle de certains produits ?
(1) Droit des Assurances – Yvonne Lambert Faivre et Laurent Leveneur – Précis Dalloz.