Entrée en vigueur

En date du 21 novembre 2024, l’ACPR a publié sa nouvelle recommandation relative au devoir de conseil et à la fourniture d’un service de recommandation personnalisé en assurance.

Cette recommandation, qui entre en vigueur le 31 décembre 2025, a fait couler beaucoup d’encre dans la mesure où elle vient une nouvelle fois renforcer le devoir de conseil des distributeurs d’assurances.

Si elle reprend certaines dispositions déjà applicables, elle présente toutefois deux évolutions :

  • L’une concernant l’obligation de conseil après la souscription et pendant toute la durée du contrat,
  • L’autre concerne l’obligation de s’enquérir des préférences en matière de durabilité.

Champ d’application

La Recommandation s’applique à l’ensemble des produits d’assurance (IARD et vie) à l’exception des grands risques, des contrats collectifs à adhésion obligatoire et des contrats souscrits par les employeurs à destination des salariés.

Sur qui ces obligations vont-elles peser ? Le débiteur du conseil sera celui qui est en lien direct avec le souscripteur.

La responsabilité du concepteur du produit (assureur ou courtier grossiste) ne sera pas recherchée sur le terrain du défaut de conseil, mais il pourra être mis en cause en cas de mauvaise définition du marché cible, ou d’absence ou d’insuffisance d’informations délivrée aux distributeurs.

Devoir de conseil avant la signature du contrat

Sur la question du devoir de conseil en amont de l’adhésion ou de la souscription, la Recommandation reprend, en les précisant, les grands principes du devoir de conseil.

Modalités de recueil des informations

La charge de la preuve du respect du devoir de conseil reposant sur le professionnel, il est nécessaire que l’ensemble des informations recueillies figure sur un support écrit.

L’intermédiaire devra informer le prospect que le recueil d’informations est effectué dans son seul intérêt et ce afin de permettre un conseil adapté ou une recommandation personnalisée.

Aussi, les questions devront être libellées de façon claire, précise et compréhensible.

De leur côté, les assureurs et courtiers grossistes doivent mettre à la disposition des distributeurs les informations nécessaires permettant un conseil de qualité, des fiches de produits explicites…

Hors assurance-vie :

De façon très explicite, l’ACPR souligne que le devoir s’applique à l’ensemble des produits d’assurance et recommande de « mettre en place un devoir de conseil sur toute la durée du contrat d’assurance de dommages ou de prévoyance, afin de s’assurer périodiquement que les produits détenus par les assurés correspondent toujours à leurs besoins. »

A titre d’exemple l’intermédiaire se doit :

  • D’attirer l’attention sur les risques de cumul d’assurance (exemples avec les garanties déjà proposées par le biais de la carte bancaire telle que l’annulation de voyage ou déjà contenues dans les contrats MRH telle que l’assurance scolaire…) Dans ces hypothèses, le distributeur doit conseiller le client quant à la nécessité ou non de conserver les deux contrats.
  • de vérifier si l’assuré détient toujours un appareil électronique qui est couvert par une assurance dite « affinitaire » ou, si l’âge de l’assuré ne lui permet plus de bénéficier d’une partie des garanties, s’il est encore justifié qu’il conserve une garantie des accidents de la vie.
  • De recueillir les exigences et besoins (étendue et niveau de couverture souhaité) etc…

Et ce afin de lui conseiller un contrat en cohérence avec ses exigences et besoins.

En assurance-vie :

L’annexe 1 donne des indications sur les informations devant être recueillies :

  • la situation familiale (identité complète, régime matrimonial, composition de la famille, volonté concernant la désignation du bénéficiaire et conseil dans la rédaction de la clause bénéficiaire etc…)
  • la situation financière (revenus du foyer, dépenses courantes, capacité d’épargne, composition du patrimoine, charges financières…) afin de déterminer quelle est par exemple sa capacité à subir des pertes, le montant de l’investissement envisagé…
  • la situation professionnelle et la date de son départ en retraite.
  • ses connaissances et son expérience en matière financière en l’interrogeant notamment sur la détention passée ou présente de produits d’épargne, leur mode de gestion libre ou sous mandat, l’existence de gains réalisés ou de pertes déjà subies…
  • Attention le distributeur ne peut se contenter d’une simple auto-évaluation de son client mais doit lui poser des questions lui permettant de se faire une idée sur ses véritables connaissances.
  • Déterminer les objectifs du souscripteur et son profil de risque. Par exemple le distributeur devra préparer une liste d’objectifs (préparation à la retraite, investissement à long ou court terme, transmission d’un capital au moment du décès, constitution d’une épargne…

« Nouveauté » :  la durabilité

La recommandation s’inscrit dans le cadre de la transition écologique et de la loi Industrie verte du 23 octobre 2023.   Elle encourage l’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (critères ESG) dans le conseil, lorsque le client le souhaite.

Le distributeur doit nécessairement interroger son client sur ses préférences en matière de durabilité.

Cette obligation est déjà prévue par les articles L 522-5 et A 522-2 du Code des assurances (Loi du 23 octobre 2023 entrée en vigueur le 24 octobre 2024. Cf CGPA Conseils de décembre 2024).

Toutefois dans sa Recommandation, l’ACPR demande aux distributeurs :

  • D’expliquer ce que sont les préférences en matière de durabilité, ainsi que les critères en matière environnementale, sociale et /ou gouvernance.
  • Les informations doivent être claires et précises et non trompeuses.

Le 13 novembre 2025, l’ACPR et l’AMF ont conjointement publié un texte dont la finalité est d’aider les professionnels dans la prise en compte des préférences de durabilité de leurs clients. L’ACPR et l’AMF présentent leur démarche conjointe pour accompagner les professionnels dans la prise en compte des préférences de durabilité des clients | Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

L’exploitation des informations pour l’ensemble des produits d’assurance (vie et IARD)

Il appartiendra à l’intermédiaire de vérifier les réponses et, le cas échéant, de relever les incohérences (par exemple : un souscripteur déclare avoir un horizon d’investissement long terme mais des besoins de liquidités à court terme…).

Une formation spécifique des collaborateurs devra nécessairement être dispensée.

Le respect des marchés cibles

Depuis le 1er janvier 2024, la Recommandation ACPR 2023-R-01 et surtout depuis le 28 juin 2024, date d’entrée en vigueur de la Recommandation ACPR 2024 R01 du 28 juin 2024, l’ACPR rappelle que l’assureur et /ou le courtier grossiste doit pouvoir justifier d’une “grille d’analyse et de critères objectifs” pour caractériser la mise sur le marché d’un nouveau produit ou les adaptations envisagées d’un ancien produit.

A cette fin, il se doit de :

  • définir un marché cible spécifique (clients ayant des intérêts communs),
  • vérifier que le produit est totalement adapté au client et ce tout au long de la relation commerciale,
  • retirer le produit du marché en cas de doute (cf. CGPA conseils RIS et révision DDA juillet 2025).

La Recommandation ACPR 2024-03 rappelle ces principes.

Devoir de suivi tout au long de la vie du contrat

Si ce devoir de suivi a toujours été reconnu notamment par les tribunaux, l’ACPR dans sa Recommandation en fait une obligation clé.

Selon l’autorité de contrôle, le distributeur doit s’assurer que le produit reste adapté tout au long de la relation client, notamment pour les contrats longs (assurance-vie, retraite, prévoyance).

En effet, la situation du client peut évoluer (changement professionnel, familial, patrimonial) rendant le produit initialement conseillé inadapté.

En matière d’assurance-vie, les articles L522-5 et L522-6 du code des assurances ont clairement précisé que l’intermédiaire doit vérifier l’adéquation du produit aux besoins et exigences du client dans les situations suivantes :

  • En cas de changement dans la situation personnelle et financière du souscripteur ou dans ses objectifs d’investissement. Toutefois l’ACPR rappelle que cette obligation de suivi doit intervenir dès que l’intermédiaire obtient une information de nature à modifier le contrat et par exemple à l’occasion de la gestion d’’un autre produit d’assurance.
  • Tous les 4 ans, si le contrat n’a fait l’objet d’aucune opération, ou s’il n’a pas fait l’objet d’opérations programmées (versements, rachats ou arbitrages programmés). L’intermédiaire devra interroger son client. En cas de silence ou de refus de ce dernier, l’intermédiaire sera libéré de ses obligations.
  • Tous les 2 ans, si un service de recommandation personnalisée a été fourni.
  • A l’occasion de toute opération susceptible d’affecter le contrat de façon significative, à savoir :
  • Les versements, rachats ou arbitrages (hors opérations programmées et rachats effectués au prorata des supports investis, et rachat anticipé pour accident de la vie) :

Supérieurs ou égaux à 2 500 € et à 20 % de l’encours du contrat pour les contrats dont l’encours est inférieur à 100 000 € ;

Supérieurs ou égaux à 30 000 € et à 25 % de l’encours du contrat pour les contrats dont l’encours est supérieur à 100 000 € ;

  • Les rachats, versements ou arbitrages de certaines unités de compte constituées de catégories d’OPC qui sont investies en titres éligibles PEA-PME ou principalement en actifs non cotés.

Dans cette hypothèse, l’ACPR prévoit que l’intermédiaire doit actualiser la connaissance client, recueillir les objectifs pour l’opération envisagée et conseiller une opération cohérente avec la situation et les objectifs. (Cf CGPA Conseils décembre 2024).

Traçabilité des informations

Même si la nécessité d’un écrit est depuis longtemps établie en vue d’apporter la preuve du respect du devoir de conseil, preuve à la charge de l’intermédiaire, l’ACPR rappelle que les distributeurs doivent être en mesure de justifier de la conservation des informations, de leur accessibilité, de la remise du conseil fourni et des raisons qui le motivent.

Il est nécessaire de conserver ces documents pendant toute la durée du contrat et conformément aux délais de prescription.

En conclusion

En conclusion, il est clair que les nouvelles exigences de l’ACPR vont nécessiter :

  • Une adaptation des systèmes informatiques permettant notamment la mise en place d’alertes afin de revoir régulièrement l’intégralité du portefeuille,
  • L’édition d’un recueil d’informations conforme aux demandes de l’autorité de contrôle,
  • La formation des équipes concernant la traçabilité et le contenu du conseil,
  • La justification de chaque recommandation par écrit qui devra être transmise au client et archivée ce qui va augmenter les délais consacrés à la vente du produit et entrainer un accroissement de la charge documentaire,
  • De faire preuve de grande pédagogie vis-à-vis du client qui parfois en raison de ce processus plus long et complexe risque d’être découragé.

En revanche, ces obligations vont permettre :

  • Une analyse plus approfondie des besoins du client et donc un conseil plus personnalisé
  • Une fidélisation renforcée, les contrats devant être revus et adaptés à l’évolution du client
  • La traçabilité va permettre une preuve en cas de litige.
  • Une adaptation aux volontés des clients en matière de durabilité.